« Qui êtes-vous ? Je ne vous connais pas ! »

Société inclusive

Date de rédaction :
29 mai 2014

Une semaine plus tard, de retour à la maison, Colette Roumanoff écrit : « À quatre heures du matin, Daniel s’agite dans notre chambre, surpris de me voir et il me dit d’un air fort déplaisant : “Qui êtes-vous ? Je ne vous connais pas ! ” J’essaie d’une voix douce : “Je suis Colette”, mais son visage reste fermé, il crie : “C’est vous qui le dites ! Comment êtes-vous entrée ici ?” Je demande gentiment : “Veux-tu quelque chose ? Puis je t’aider ? As-tu faim, as-tu soif ?” Réponse : « Pourquoi vous criez comme ça ? Je vais partir ! » Il se met à faire et à défaire son lit. Je vais dans la pièce à côté pour reprendre mes esprits. Je sens que j’ai besoin de toutes mes ressources. Parler ne sert à rien, il faut trouver autre chose à faire. Je commence par allumer toutes les lumières dans la maison. Dehors il fait noir. Puisque nous sommes tous les deux debout, commençons notre journée. Je reviens sans rien dire avec sa robe de chambre que je lui tends comme tous les matins. Il me regarde toujours de travers mais il enfile la robe de chambre et je décide de faire le petit déjeuner. Je pose pour lui sur la table comme tous les matins une pomme dans une assiette avec un couteau. Je lui fais signe de s’assoir sur sa chaise. Il regarde tout d’un air bizarre. Je ne dis toujours rien. Pendant deux secondes ses yeux s’allument il me dit : «C’est toi ? ». Puis de nouveau une immobilité dense et sombre. Il épluche et mange sa pomme pendant que je prépare le petit déjeuner, je remplis sa tasse de café, je mets de la confiture sur sa tartine, je lui donne ses cachets. Le temps semble s’être délayé. Tout va lentement. Il se détend peu à peu, ne touche pas à sa tartine, puis d’un coup, il dit : “Oh ! Je ne l’avais pas vue !”  Il la mange avec plaisir, puis il boit son café. Je le ressers. Nous commençons à parler et nous sortons sur la terrasse. Un oiseau chante, Daniel siffle en réponse à l’oiseau. Je lui souris et je me dis : “Ouf ! Voilà des neurones qui marchent encore !”. Il me dit : “Ah tu vas mieux ? Tu n’avais pas l’air bien tout à l’heure.” “Oui, je ne me sentais pas bien, tu m’as dit que tu ne me connaissais pas.” “Moi, j’ai dit ça ?” Il a l’air tellement étonné que je n’insiste pas. Je propose quelques pas dans le jardin. Je lui mets des chaussures et tous deux en robes de chambre nous marchons à petits pas pendant que doucement le soleil se lève. Il me montre son bas-ventre en faisant la grimace. “Tu as mal ?” “Oui !” D’un coup je comprends qu’il est constipé ! »