Les professionnels de l’aide à domicile font-ils partie de la maisonnée ?
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Florence Weber enseigne la sociologie et l’anthropologie sociale à l’École normale supérieure, où elle dirige le département de sciences sociales. Pour elle, « la “maisonnée”, c’est le groupe de la parenté quotidienne, au-delà du seul ménage, qui est l’unité utilisée dans les statistiques et les textes officiels. Celle-ci fonctionne pour les situations habituelles, mais la notion de « maisonnée » est plus efficace pour désigner les relations de parenté en dehors d’une cohabitation. Ce n’est pas non plus la famille élargie, qui est constituée de proches n’ayant parfois aucune relation au quotidien. La “maisonnée”, ce sont les gens qui s’occupent les uns des autres de façon régulière et investie. » Pour elle, le care, « ce n’est pas simplement de la sollicitude ou un soutien affectif ou moral. Ce sont des liens beaucoup plus forts, comme le fait de passer deux fois par jour voir une personne âgée pour vérifier que le frigo est plein et que tout va bien. Il s’agit de relations pragmatiques qui demandent un investissement matériel, pas seulement des sentiments. » Les professionnels de l’aide à domicile font-ils partie de cette maisonnée ? interroge Jérôme Vachon, d’Actualités sociales hebdomadaires. « C’est un vrai débat », répond Florence Weber : « la professionnalisation des métiers de l’aide à domicile passe par un certain refus des affects avec les usagers. » Elle observe cependant que, « assez souvent, ce qui se pratique sur le terrain va à l’encontre de ce qui est enseigné dans les écoles. Là où il existe des relations sur une longue durée, l’établissement d’un lien affectif est indéniable. » De son point de vue, « il s’agit bien d’une forme de parenté quotidienne. Le professionnel n’est pas interchangeable. S’il n’est pas là, on ne peut pas le remplacer par un intérimaire. Mais il est vrai que ça peut être un piège pour lui. Il peut se sentir prisonnier de cette relation. Tout le problème est donc de mettre des limites à cet investissement pourtant nécessaire. »
Actualités sociales hebdomadaires, 15 novembre 2013. Weber F. Penser la parenté aujourd’hui. La force du quotidien. Paris : Editions Rue d’Ulm, 2013. 264 p. ISBN-978-2-7288-0501-3