L’homme et la machine
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
« On peut imaginer nourrir quelqu’un avec une machine, ou le laver à l’aide d’une autre. La “prise en charge” d’un corps lourd est chose difficile à une frêle infirmière », explique Eric Fiat, philosophe et responsable du master d’éthique médicale à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. « Mais alors quelque chose d’essentiel manquerait. Car nourrir un homme ce n’est pas que remplir son ventre, laver une femme ce n’est pas la même chose que laver une chambre : dans les deux cas, il s’agit d’honorer une personne. On ne remercie d’ailleurs pas une machine. Privée de la possibilité même d’exprimer sa reconnaissance, comment la personne lourdement handicapée pourrait-elle se sentir encore membre de la communauté des hommes, et ne pas en tirer les conséquences ? Alors risque de se perdre le sentiment même de dignité, quand bien même nous penserions que la dignité, elle, ne se perd pas, et est intrinsèque à la personne humaine, quels que soient son état, ses performances, ses facultés. Et ceci, parce qu’une machine ne saurait rompre le sentiment de solitude, et même souvent l’aggrave. »
Fiat E. La maison, entre le ciel dont je viens peut-être et la terre où je vais sûrement. Rev Francoph Gériatr Gérontol 2013 ; 20(198) : 358-362.