Conduire avec la maladie d’Alzheimer : un vide juridique ? (1)

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
01 mars 2014

Un conducteur octogénaire circulant à contresens sur l’A85 entre Veigné et Druyes (Indre-et-Loire) est à l’origine de deux accidents. Dans le second, le choc frontal a été d’une extrême violence, et les deux conducteurs, dont l’octogénaire, sont morts. Les gendarmes chargés de l’enquête ont rapidement établi que le conducteur roulant à contresens était atteint de la maladie d’Alzheimer. « Un scénario de film d’horreur » écrit le journaliste Jean-Yves Nau sur son blog. « Pourquoi ne les enferme-t-on pas ? », a-t-il entendu dans un café. « A-t-on le droit de conduire avec une telle maladie invalidante ? », s’interroge François Bluteau, de la Nouvelle République du Centre Ouest. « La réponse est complexe : normalement, non, dans la pratique, oui… Car il n’y a pas d’obligation législative pour un médecin ayant fait le diagnostic (ou la famille qui est au courant) de prévenir le préfet qui est seul habilité à obliger le malade à subir un examen médical. Rien n’empêche qu’ils le fassent mais rien ne les y oblige, si ce n’est une obligation morale, celle qui consiste à penser au danger que le malade va faire courir à autrui. » Le Dr Philippe Chalumeau, l’un des membres de la commission primaire pour le contrôle médical de l’aptitude à la conduite du département d’Indre-et-Loire, fait partie des vingt-sept médecins, généralistes ou spécialistes, agréés par le préfet pour donner un avis au sein de la commission ou en ville. Les médecins de la commission n’interviennent que quand il y a eu une infraction (conduite sous l’emprise de l’alcool et/ou de stupéfiants) ou quand les gendarmes ou les policiers ont signalé au préfet un problème de conduite. « Pour le reste, on ne vient nous voir que volontairement ou sur pression de la famille » confie-t-il. Y a-t-il une obligation de signalement pour le médecin traitant ou les familles ? « Absolument pas et c’est là où le bât blesse », accuse-t-il. En effet, il n’y a pas que la maladie d’Alzheimer comme pathologie posant des problèmes d’aptitude à la conduite : les maladies cardiaques, l’épilepsie, la dégénérescence maculaire liée à l’âge, etc. Quand elles sont diagnostiquées, le médecin ne peut que recommander au patient et à sa famille d’aller consulter l’un des vingt-sept médecins agréés. Lequel donnera un avis, avec le préfet qui décide, en fin de compte. Mais il n’y a aucune obligation pour personne. Je n’imagine pas un médecin signalant l’un de ses patients… »